De hautes tours se dressaient aux portes du monde. Fières et inaltérables elles portaient avec elles, depuis des temps immémoriaux, tout le génie de cette civilisation perdue. D’immense colonnade brillant de mille feux narguaient des édifices plus étincelant encore qui miroitaient des derniers rayons du soleil.
Longue langue qui sinuait autour des édifices aux majestueuses flèches, le sol, pavé d’obside, de jaspe et d’or scintillait d’éclats dont il eut été impossible de discerner toute la palette de couleur tant elle était riche et changeante. Et là, parmi l’architecture merveilleuse et sur ce sol qui était à lui seul un éventail de feu coloré se traînaient les habitants de cette ancienne cité. Rien n’eut pu plus trancher avec le charme de la ville que ces hères atroces aux visages brouillés et aux lèvres muées en de vagues esquisses. Les sans visages comme les rares visiteurs les appelaient, hantaient désormais la ville comme les gardiens aveugles du plus antique secret. Nul n’aurait pu trouver langues plus atroces que la leur et malgré le charme et la mélopée de leur voix qu’on eut pu prêter aux dieux eux même, leur propos étaient et resteraient sans doute à jamais vide de sens pour le commun des mortels.
Sous le couvert d’immenses capes sombres qui masquaient leur démarche et la beauté du sol lui-même comme une ultime offense, ils déambulaient ainsi, solitaires, parmi les longues avenues bien trop larges pour eux. Parfois, quand un aventurier ou un vagabond les accostaient ils rentraient leurs larges têtes difformes sous l’étoffe à la manière de quelques tortues marines. En d’autres occasions ils discouraient si tristement mais dans un langage si complexe qu’ils n’arrivaient à faire naître que la peine dans le cœur de ceux qui y portaient attention. Leur complainte triste et magique faisait naître des images si belles dans le cœur de qui s’y abandonner que la plupart de ceux qui les écoutaient n’en revenaient jamais indemne.
Ainsi était le monde d’Iris, ultime cité brisée dans sa grandeur par quelque malédiction dont le nom même s’est perdu dans l’Histoire. Ainsi était ce monde où la beauté vide ne vibrait plus que de la laideur du poids de son propre futur et c’est ainsi et ici que naquit Elora. [...]