I
J'étais si indifferent que la moindre de ses paroles était pour moi comme un coup de couteau en plein coeur. Le Poème, lui, s'était planqué. Ne réapparaissait que pour me faire sentir à nouveau l'écrasante résponsabilité de son absence.
Pour être poète je crois que, finalement, il ne faut pas valoir grand chose.
Actuellement, c'est une pinte de mauvaise bière qui me tient compagnie. La seule salle fumeur du bar est bruyante, enfumée (logique) et mal éclairée.
Je m'y sens mal.
Alors j'écris. Pas des poèmes d'amour mais ce que l'on peut appeller des "impressions". Vide. Canappés rouges. Nuit noire. Il est 17H51.
J'essaie de m'en foutre mais bientôt j'aurai trop bu. Peut-être m'allongerai-je sur la route. Peut-être lui dirai-je des saloperies à l'oreille. La prendre dans mes bras?
Que dalle!
Son parfum n'est plus le même. Elle n'a plus cette odeur d'yeux bleus. N'a plus ce petit corps lisse. N'a plus ce regard copié sur un livre pour enfants:
"Rouge-rouge, le petit chaperon rouge". Qui n'est pas pour les enfants du tout. Règles, communismes et honte...autant de rouges dégueulasses. Autant de couleurs perçues "en idée".
Je me suis moi-même vu évoluer "en idée". Navigant dans un monde d'yeux bleus, de corps lisses. J'ai cueilli les plus belles fleurs, baisé chaque recoin du Poème. Aimé à n'en plus pouvoir.
-Gorge gorge va vomir-
Tout cela mon idéal.
En réalité je n'ai rien foutu...
II
La couleur est trop lourde à porter ce soir. Je voudrais des contours nets, pour une fois. Ne plus être Matisse voyant son corps. Je voudrais
Que ma vie soit en suspend.
Je voudrais voir en chaque objet. Pénetrer l'essence et le sens. Ne pas me laisser submerger par ce putain d'imaginaire. Je voudrais
Mourir un peu.
Voudrais répondre au téléphone et m'en foutre de qui est au bout du fil. Juste parler.
C'est tout ce que je veux. Ne pas m'engager trop loin dans le rêve
Et parler...
Ne pas écrire!
III
Ne plus pouvoir écrire. Seuil